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"Ce que j'aime au cinéma, c'est être suffisamment près pour être ému... par Coucou c est ginou

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...mais aussi suffisamment loin pour ne pas être dupe de ce que l'on voit." Il y a, ces jour-ci, à la cinémathèque de Paris, une rétrospective Guédiguian, et là, oui, là je regrette d'être si loin. Un déchirement, une nostalgie, la sensation que, à ce moment, la vraie vie est là-bas et que j'en suis séparée. Pareil que pour Godard à Beaubourg, il y a quelques années. Oui, ça me manque, des fois, dans mon bout du monde, le cinoche. Et les musées. Vivre en ville, descendre à pieds vers les Variétés, il y aura sûrement quelque chose de bien, ou pousser jusqu'au Breteuil, ou faire halte au musée Cantini, aux heures torrides, pour aller revoir et revoir ce Masson, ce Zao wou ki… À Lyon, dix fois, vingt fois ces "mangeurs de ricotta" de Vincenzo Campi au musée des Beaux-arts… fascinée : ce cadrage en plan rapproché, si moderne. On est avec eux, on est assis à leur table, on a en bouche le goût du fromage frais. Guédiguian aussi, dans ses films, ils les rends proches, ses personnages. Nous invite à leur table. Ascaride, Meylan, Daroussin et les autres, tant d'autres, Boudet, Roberts, Podalydès… Leur présence déborde des rôles, de la fiction, de l'écran, Guédiguian c'est "la rose pourpre de l'Estaque", tu sors de la salle comme d'un troquet où t'aurais passé la soirée à refaire le monde avec des potes de rencontre. De rencontre. Proches mais pas top : il te jette pas les gens à la figure, te colle pas le nez, de force, sur tel ou tel détail de leur anatomie, de leur pathos, non, il te les présente. Tu les vois rire, bouger, ils parlent, ils se taisent, ils dansent, ils font l'amour, ils disent plein de trucs qui font cogiter, il réfléchissent, sur eux, sur "la lutte des classes et la sexualité", l'essentiel quoi (Daroussin, dans quel film, je sais plus, "y a que deux choses importantes dans la vie…"). Parfois j'entends des trucs, "bluette", "mélo", "pittoresque", pffffff ! Il y a un gouffre, pourtant, entre Gérard Meylan et Raimu, entre la justesse et l'emphase, faut arrêter de croire qu'on a un pagnolade dès qu'un mec parle avec l'accent marseillais ! Mais j'ai fini par comprendre un truc : le "pittoresque", c'est le peuple. Le peuple résiste à la standardisation, il est partout différent, partout particulier. Ça pourrait être un brin de réponse à une question que Guédiguian se pose, nous pose, ici ou là : est-ce qu'on s'embourgeoise, en vieillissant, est-ce qu'on s'em-petit-bourgeoise, quand on s'installe dans sa vie, bon an mal an, avec cet air d'avoir renoncé à ses rêves adolescents ? Eux, non : ils résistent à cette fameuse "distinction" dont parle Bourdieu, dont le résultat, paradoxal, est de fondre cette diversité populaire dans la banalité bourgeoise. Ils résistent à cette "inclusion" (ces immortelles figées dans un bloc de plastique qui faisaient fureur dans les années 70), cette "inclusion" qu'on nous présente implicitement, un peu partout (au cinéma, au cinéma surtout !), comme la seule alternative à l'exclusion, comme s'il n'y avait plus, dans notre monde, que des "classes-moyennes" et des "SDF". Eux, non. Ils ne se laissent voler ni leur accent, ni leur parole. Ils se parlent, ils te parlent. Ascaride : "Si on se force à mettre l'intelligence et l'amour avant toute autre pensée, il n'y a pas de raison pour que le monde n'aille pas mieux". Elle te tient dans son regard. Bon sang, si vous avez la chance d'être à Paris, ratez pas ça. Allez caboter d'un film à un autre (il y en a une vingtaine), prenez la mer. Il y en a de tendres, de gais, de (presque) désespérés, de déchirants (ah Marie Jo, Marie Jo…), il y a des ruelles ombre et soleil, des jardins abandonnés, des cafés bruyants et chauds (ah, la bagarre générale au bistrot avec poissons, scène d'anthologie de Marius et Jeannette, morceau de bravoure, mêlée sublime, limite surréaliste, daliesque, un genre de "pêche au thon" en mouvement) il y a des piaules de célibataires, des maisons des années soixante et la grille qui grince, il y a l'usine, le port, la mer, les bateaux, la vie, la ville, les voix des gens, leurs corps toujours imparfaits, toujours beaux (grâce à ce regard qui embrasse, ce regard qui aime le geste, qui l'accueille) et tout ce qu'ils disent lorsqu'on prend le temps de les écouter. http://www.cinematheque.fr/fr/dans-salles/hommages-retrospectives/fiche-cycle/robert-diguian,488.html la citation du titre: http://www.lexpress.fr/culture/cinema/les-neiges-du-kilimandjaro-interview-de-robert-guediguian_1051363.html

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