Le poète ?
Jétais poète.
Celui dont la nostalgie
Forgeait les mots pour rendre
Léternité à lenfance.
Celui dont lenvie de vivre
Créait les mots pour inventer le futur.
Jécrivais des hymnes à lamour
Et les anciens me montraient le chemin.
Pur et sans crainte javançais dans la vie.
Sans ombre hostile mais le soleil ami,
La poésie cultivait en elle
Et me prodiguait caresses sensuelles.
Mais vint le jour inexorable
Où les vers se changèrent
En barbelés pour enfermer
Les terres brûlées par la haine.
Lautomne lui-même
Portait dans ses couleurs
Les signes exacts, précis
De lindifférence cruelle.
Toujours la poésie pour lhomme
Fut moteur puissant de rêve :
Il rêva que la lumière se fasse
Et sous le chant elle se fit.
Aujourdhui la Voie Lactée
Na plus de sens
Et la grande Ourse
Nindique plus le Nord.
Le poète désarmé que peut-il faire ?
Comment sortir son frère
De son profond sommeil
Standardisé, télévisé, climatisé ?
Faudrait-il que dans la douleur
Ton coeur souvre à la douleur de lautre ?
Que ton sang coule lentement
En un tempo long et monotone ?
Que le poète boive à cette source ?
Il ny a de création poétique
Que dans le silence et lamour.
La poésie est une prière !
Jai en moi des blessures
Que pour guérir me demandent la vie.
Reste au fond, bateau amarré
Dans un vieux port, lillusion de la thérapie.
Le poète na plus que le choix
Entre la dérision et la révolte.
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