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Gadigney par Hauts plateaux

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C'est la première fois que je vois un dromadaire qui mange baraqué alors j'arrête la voiture. Il est à une vingtaine de mètres de la piste et mange tranquillement une grosse brassée de moutarde sauvage en fleur. Je me dis, si ça se trouve il est malade et c'est son maître qui lui a apporté cette crucifère dont il est friand. Je m'approche et fais une photo quand je comprend, il a ses deux jarrets de devant attaché très court. Je jette un coup d'oeil alentour et aperçois un couple en train de désherber un champ de teff. L'homme me fait signe de la main et je les rejoints. Nous nous souhaitons mutuellement la paix et échangeons nos prénoms avant de parler un peu. - C'est ton chameau ? - Oui. - Tu lui a donné un nom ? - Oui bien sur, il s'appelle Gadigney, il est beau n'est ce pas ? - Il est très beau mais je le trouve un peu clair. - Ce sont les plus clairs les meilleurs pour porter et marcher ! - Peut être mais celui là ce n'est pas aujourd'hui qu'il marchera beaucoup... - Il l'a bien cherché sa punition ce voyou ! Hier au pâturage il a du sentir l'odeur des chamelles portée par le vent et il s'est enfui pour les rejoindre en bordure du désert. Je lui ai couru après une bonne partie de la nuit avant de le retrouver. C'est pour ça que je lui ai lié les pattes jusqu'à ce soir, il faut qu'il comprenne de ne plus recommencer. - Et tu crois qu'il va comprendre ? - Oh oui qu'il comprend, cet animal comprend beaucoup mieux que la plupart des hommes. Je suis certain qu'il savait qu'il allait être puni mais ça ne l'a pas arrêté, il voulait voir les femelles. - En tout cas tu le soignes bien en lui apportant cette grosses brassée de moutarde. - C'est mon chameau et il est puni mais je veux qu'il comprenne que je l'aime et ne lui en veux pas. Nous parlons un petit moment du teff et de la pluie, des récoltes à venir, de sa famille et de la mienne. Avant de partir je passe voir Gadigney, je lui caresse l'encolure et le complimente sur sa beauté. Nos regards se croisent, une fois de plus le regard de cet animal me trouble par sa profondeur, un peu comme s'il savait lire à livre ouvert dans mon âme d'homme pour mieux m'inviter à me scruter moi même et à cesser d'aboyer après les caravanes qui vont là où je n'irai jamais.

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