Ah ! encore une pique contre le numérique qui cherche toujours et encore à anéantir l'argentique. Argentique qu'il faut continuer à défendre et à soutenir !
Or donc, je vais commencer par un paradoxe. En recherchant sur Internet une solution à un problème rencontré avec mon scanner de négatifs, j'ai découvert par hasard une technique que je ne connaissais pas et propre aux appareils photo numériques : la HDR qui signifie Hight Dynamic Resolution ou en français : Résolution à Haute Dynamique.
Késako ?
C'est tout simple. Cette technique part d'un constat physiologique humain : la vision humaine est d'une sophistication sans égal, à tel point que la science est encore très loin d'en comprendre tous les mécanismes. Certes l'oeil du rapace est plus puissant, celui du chat voit la nuit, la vision de certaines espèces animales se fait à 360°, le caméléon est capable de voir et d'appréhender simultanément deux choses totalement distinctes, etc, etc, il y a autant de spécificités remarquables qu'il y a d'espèce animales douées de la vision. Mais aucune n'en rassemble autant que l'être humain.
L'une de ces spécificités remarquables est la capacité de l'oeil et du cerveau de réinterpréter instantanément ce qu'il voit. La toute première correction qu'effectue le cerveau est l'inversion de l'image. Normalement sans cette correction nous nous verrions la tête en bas et pieds en l'air. Bon ça c'est commun. Moins commun est la correction des distorsions et des perspectives : un carré reste carré quel que soit l'orientation du regard et la distance du carré, ça c'est déjà plus difficile. La preuve avec les objectifs d'appareil photo à très courte focale : Ils corrigent tous parfaitement les distorsions (ligne courbes) mais pour ce qui est des perspectives... inclinez légèrement l'appareil et il n'y a plus aucune ligne parallèle. Cet effet est d'ailleurs très souvent utilisé en photo pour donner de la force et du mouvement à l'image. Donc sur ce point l'oeil humain fait très fort.
Plus fort encore est la correction des dominantes couleurs. Cette plage de correction est très large (mais pas illimitée) : un blanc reste toujours blanc à l'oeil humain là ou la réalité est que le blanc change de teinte selon l'environnement lumineux. Il peut être jaune, bleu, vert, rouge, magenta selon que le blanc soit exposé au soleil du soir, sous un ciel nuageux, sous une lumière à incandescence, sous des néons, etc..., c'est ce qu'on appelle la température de couleur que le cerveau corrige pour qu'elle soit constante et que les appareils photo numériques corrigent avec la fameuse "balance des blancs."
Toujours plus fort, et j'en reviens à la HDR, est la correction de la dynamiques des contrastes. Promenez vous dans un sous bois où il fait très sombre puis arrêtez vous avant d'en sortir à la pleine lumière du soleil. Regardez en même temps à l'intérieur de ce sous bois et à l'extérieur où le soleil frappe de toute sa puissance. Vous avez l'impression qu'aucun détail ne vous échappe, ni à l'ombre du sous bois, ni en pleine lumière. Faites une photo de ce que vous regardez et vous verrez que quels que soient vos réglages, vous ne pourrez obtenir du détail que dans une seule des deux parties de l'image, soit en pleine lumière, soit dans l'ombre mais pas dans les deux en même temps. C'est là qu'intervient la HDR en photographie numérique. C'est tout simple : l'appareil doit être installé sur un pied pour être sûr qu'il soit bien stable. En mode HDR, il va faire trois vues en rafale : une pour les hautes lumières de la partie ensoleillée, une pour les basses lumières de la partie en sous bois et une intermédiaire. Ca s'appelle le bracketing. Ensuite avec un logiciel intégrant la fonction HDR, les trois photos vont être fusionnées pour en extraire tous les détails dans toutes les zones de l'image, aussi bien dans les zones très lumineuses que dans les zones très sombres, et d'un seul coup on a l'impression que l'image correspond exactement à ce qu'on a vu ou voulu montrer. FOR-MI-DABLE !
Alors là j'éclate de rire ! J'ai vu des photographies qui utilisent cette technique et j'ai eu l'impression de voir des images de jeu vidéo comme par exemple une luminosité improbable sous un pont où on distingue très nettement ce qu'il y a dans son ombre alors qu'à l'extérieur un puissant soleil fait éclater la façade d'un bâtiment dont on en devine presque les moindres détails. Un ciel de nuit nuageux à la luminosité tout aussi improbable comparativement à la luminosité de l'autoroute ultra éclairée en contrebas et au noir profond des buildings à mi-plan avec en prime l'éclat lumineux dans une partie du ciel qui surplombe une autre zone sur-éclairée de la ville. L'oeil humain est très fort mais pas à ce point là, d'ailleurs ça ne lui servirait à rien.
Mais où est le problème ? En effet, si ces photographies avaient vocation à évoquer quelque chose de futuriste style Avatar, elles seraient réussies, sans grand intérêt mais très réussies tout de même. Sauf que ce n'est pas ce qu'elles sont sensées évoquer puisqu'il est question avec ces photographies de montrer que grâce à la HDR il est maintenant possible de restituer la vision humaine en matière de dynamique des contrastes... fort heureusement pour moi je n'ai pas encore une vue bionique me permettant de voir comme ça. J'aime trop les mystères des ombres et les brûlures blanches du soleil.
L'autre problème, bien plus important à mes yeux (si j'ose dire), est une question de pratique, de savoir-faire qui ne peut se développer qu'en se confrontant aux caprices de la lumière qu'on apprend à dominer non pas avec la technologie mais avec sa tête : si il y a trop de contraste c'est que la lumière n'est pas bonne. il faut alors attendre un équilibre lumineux pour qu'un réglage intermédiaire permette d'extraire les détails les plus significatifs de l'image tant en pleine lumière, qu'à l'ombre. Une correction au moment du tirage sera indispensable mais elle sera modérée et le résultat bien plus probant quel que soit le sens que l'on veut donner à son image, du classique au plus futuriste en passant par l'allégorique. Si on ne peut pas attendre alors il faut repasser une autre fois. C'est ça aussi la photographie : une école de patience. Mais en argentique, rien n'est impossible, même avec une mauvaise lumière trop contrastée. Le photographe peut faire jouer son imaginaire et ses capacités créatrices d'artiste pour jouer avec ces contrastes très forts et pour leur donner du sens en prenant par exemple le parti de bruler les hautes lumières ou de boucher les ombres dans des proportions qu'il peut maitriser complètement.
Photographie signifie "écrire avec la lumière." C'est cette pratique argentique qui apprend à un photographe à dominer la lumière, à la maitriser, à la dompter pour s'en servir de plume avec laquelle il va écrire son image. La HDR et le tout numérique en général ne permettent pas cet apprentissage car il est totalement en dehors de ses fondements, il fruste les capacités personnelles de chacun, il formate l'écriture de l'image et chacun tend à faire ce que tous les autres font. Il n'y a que ceux qui se sont confrontés et qui se confrontent toujours à l'argentique qui sont capables de très belles choses en numérique car ils maitrisent si bien la réalité de la lumière grâce à leur pratique argentique qu'ils savent quelles limites ne pas dépasser en numérique pour conserver leur personnalité photographique et ne pas trahir leur plume.
Voyez, aujourd'hui, la plupart d'entre nous écrit d'avantage à partir d'un clavier d'ordinateur ou d'un téléphone portable que par de l'encre sur une feuille et de plus en plus l'échange des "écrits" se passe en tout numérique. Il n'empêche qu'à l'école on apprend toujours aux enfants à tenir une "plume" pour leur apprendre à écrire sur une feuille blanche des "o" bien rond avec leur petite queue en l'air, des "a" bien assis, des "l" des "b" et des "t" bien debout. Jamais cela ne cessera quelles que soient les évolutions technologiques.
Que vive et perdure l'argentique !!!!
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