Quand le matin tu te lèves, et que tout est brûlé, quand dehors, par la fenêtre, tu vois que tout est saccagé, que tout est noir, et la terre et le ciel, et que cela sent mauvais, et que la radio, allumée par réflexe, débite par grosses tranches des nouvelles assommantes et nauséeuses, que ton tube de dentifrice ne crache plus rien à se mettre sur la dent, tu te dis que décidément cette journée qui commence ne vaut pas le coup, ne vaut pas un clou, ne vaut rien.
Quand tu te lèves ces matins là, tu sens le froid te saisir de toutes parts, et rien n'y fera. Même ton café te paraitra amer.
Le froid partout. Dans toi et sur le monde entier. Un froid de mort. Des morts partout.
C'est que le monde glisse, lentement, comme un paquebot naufragé, il s'enfonce lugubre dans les eaux troubles, sans même un bruit. Sans même un cri.
Si seulement tu pouvais pleurer. Mais même pas. Tu vois bien maintenant que tu t'es trompé sur toute la ligne, et que la vie n'a rien de féerique, et que tu n'arrêtes pas de voir tomber tes rêves en cascade, et tes petites loupiotes de fête éclater en mille morceaux, comme ta vie en somme, que tu t'étais inventée !
Il te reste pourtant, au fond d'un placard que tu n'ouvres même plus, et depuis longtemps, deux dernières flûtes à champagne en cristal, juste un peu poussiéreuses, avec tes initiales gravées dessus, il suffirait de les sortir pour voir si cela influerait sur le cours des choses.
Longtemps on t'a fait croire -et tu l'as cru,- qu'en simplement trinquant, le monde pourrait changer...
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