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Comment filmer avec un dictionnaire par Sablaise1

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« Sous le manteau » est un film extraordinaire, tourné dans des conditions incroyables. C’est peut-être le seul film dont le générique énumère parmi les techniciens, une « équipe de guet ». Il a été tourné clandestinement entre 1940 et 1945 dans l’Oflag 17 A au nord-est de l’Autriche par un groupe de prisonniers français dotés d’une volonté et d’une ingéniosité hors du commun qui risquaient leur vie à chaque prise de vue. Environ cinq mille officiers étaient détenus dans ce camp. Exemptés de travail, ils ont très vite ressenti la nécessité de s’organiser pour occuper au mieux les longues heures séparant les maigres repas et garder leur forme physique et morale. Des volontaires ont mis en place des représentations théâtrales, des cours de culture physique, une bibliothèque et même une véritable université enseignant diverses disciplines avec une telle qualité que les diplômes et les thèses seront validés en nombre à la fin de la guerre. Occuper le temps était une bonne chose mais le souci principal était de résister. Des souterrains furent creusés sous chaque baraquement, ils aboutirent en 1943 à l’évasion simultanée de 132 prisonniers dont malheureusement 126 furent repris en l’espace d’une semaine. Il se trouve que partout dans le camp étaient apposés des panneaux « défense de photographier » rappelant que le contrevenant risquait la peine de mort. Ces panneaux donnèrent à un groupe de prisonniers l’envie irrésistible de photographier, mieux encore de tourner un film au nez et à la barbe des gardiens allemands. La chose semblait impossible mais rien ne résiste à la volonté de l’homme, surtout lorsqu’il a un idéal de justice à défendre. C’est ainsi qu’une poignée d’officiers constituèrent une équipe de tournage au complet avec réalisateur, metteur en scène, régisseur, techniciens et acteurs. Restait le problème des pellicules et de la caméra qui fut réglé grâce aux colis reçus par les prisonniers. Les pellicules arrivèrent dans des saucissons où on les avait placées aux extrémités parce que les Allemands coupaient tous les saucissons en deux en leur milieu. Les pièces détachées de la caméra étaient plus difficiles à dissimuler, mais un stratagème fut trouvé. Elles furent envoyées dans un petit colis portant un signe spécifique et les prisonniers chargés de la manutention des colis réussirent à passer ce colis par la fenêtre à l’un d’entre eux qui l’emporta dissimulé sous sa pèlerine d’officier. Le titre du film « Sous le manteau » fait directement allusion à cette pèlerine qui avait permis de récupérer les pièces de la caméra et permit par la suite de filmer discrètement en écartant légèrement les pans de la cape pour découvrir l’objectif. Les baraques faisant l’objet de fouilles régulières on cachait les pellicules dans des cavités creusées dans les talons de bois des galoches et la caméra à l’intérieur d’un dictionnaire évidé d'où l'objectif sortait lors du tournage. Le tournage put alors commencer, montrant toutes les facettes de la vie quotidienne dans le camp mais aussi l’écoute clandestine de la radio, la préparation des évasions et en 1945 l’évacuation et la longue marche vers l’ouest, vers la liberté. Tourné en 8 mm, le film fut monté et projeté en 1946 au cinéma avec une durée de 26 minutes. En 1950 il fut recopié en 16 mm. C’est un témoignage exceptionnel, unique en son genre, que j’ai eu la chance de voir projeté sur grand écran la semaine dernière parce que le fils d’un des auteurs du film réside dans ma ville. Je voulais le partager avec vous mais on ne trouve pas la version intégrale sur internet. Cependant j’ai trouvé un documentaire intéressant de 52 minutes dans lequel vous pourrez voir de nombreux extraits du film montrant les conditions du tournage ainsi que des témoignages des protagonistes.

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