La pluie d'ambiguïté s'était mise à retomber. Elle n'était pas si drue, juste le même crachin un peu poisseux, qui imbibait sans les mouiller vraiment la surface des peaux et des choses.
Elle allait laisser comme toujours son lot de choses inachevées, interrompues alors qu'on croyait qu'elles iraient à leur terme. On se remettrait à tout nettoyer après son passage, d'infimes particules laissant toujours des taches, sur les surfaces claires comme sur les surfaces sombres. Elle en était fatiguée d'avance.
Il y avait cette idée étrange, qu'elle ne tombait jamais par hasard, et que là où se trouvait son désir les particules s'accrochaient plus qu'ailleurs.
C'est lui qui le lui avait fait sentir.
Il venait sans prévenir. Grands sourires et regards plongeants, engageait l'air de rien la conversation sur la musique qu'elle aimait. Il riait quand elle plaisantait et charmant et enjoleur et irrésistible même, la faisait rire à son tour. Ils discutaient de tout, de l'insoutenable et de la légéreté, de l'air du printemps et de leurs obsessions. Et à chaque fois, elle s'autorisait à croire qu'à force de se parler jusqu'au bout de la nuit, de se frôler constamment le long du canapé, le jour se lèverait sur leurs corps enlacés. Mais le matin, elle se retrouvait seule, elle ne se rappelait de rien d'après,
le moment où la pluie s'était remise à tomber.
Elle cherchait en vain à retrouver ce qui s'était passé, comme si elle avait rêvé cette nuit étrange, et que quelques éléments épars lui revenaient en mémoire. Des traces de lui trainaient ça et là, et elle savait qu'il était bien venu, seul, et qu'il était reparti. Il avait pretexté avoir quelque chose à faire.
Elle s'assit, avec les fantômes de ce qui aurait pu se passer.
La pluie reprenait de plus belle.
Elle ne bougeait plus, elle qui d'habitude courait vite se protéger.
Elle sentait que,
tout simplement,
la pluie allait le dissoudre.
Ce désir de lui.
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