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Oraison sur la fin du temps - 1) Vocalise par Abicyclette

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Nous avons fui nos abris de lumière solidifiée - comme tant d’autres, mais si peu pourtant - oui pourquoi finalement étions-nous si peu nombreux à nous échapper? - nous avons fui en catastrophe les monstrueuses proliférations souterraines de Lxqât-Hztuül, la rhizomique cité de quartz et d’acier, le jour où son invisible peuple d’âmes troglodytiques, plus asservi que jamais à sa frénésie de forage, lié pieds et poings au minerai, se livra tout cru au déchaînement de l’inconcevable. Dès les premières rumeurs, vite confirmées par tous les réseaux informatifs, nous post-post-anarchistes, fils et filles de post-anarchistes, étions prêts, ayant cartographié depuis longtemps le chemin vers la surface, conscients dès l’enfance qu’en évoluant dans un pareil univers nous étions d’office « faits comme des rats », et qu’il faudrait sortir dare-dare le moment venu. Quand à 50 km vers l’ouest (et 30 de profondeur, section 41B7 au fond du puits 2845), la discontinuité de Mohorovičić fut atteinte, qu’à la lisière de la croûte et du manteau terrestre les foreuses percèrent une nappe d’Irrationnel pur, 1000 fois plus concentré que celui trouvé dans les sédiments des lieux antiques (où la folie furieuse et la barbarie firent date - Dachauschwitz, Nagasashima, OualleStreet), quand un degré inconnu de délire diffusa dans chaque galerie, dans chaque boyau, chaque capillaire, chaque interstice de matière, de pierre, de terre, de chair et d’électronique, roulant l’épouvante et la fureur d’atome en atome, c’est alors que fut mis en branle le dernier stade du processus confusionnant l’extrême intelligence et l’extrême connerie, le dernier acte de dégénérescence d’une race vouée aux gémonies, la dernière et pire des espèces, la nôtre, enfin ! Quelle nouvelle extrémité dans l’horreur révèlera le point final de cette interminable autodestruction? Poussant sans cesse loin au large des villes-hérisson, nous ne le savons pas et ne le saurons probablement jamais, tant leur milliers de colossales cheminées, captant en altitude l’air respirable devenu inutile, ne nous paraissent plus qu’un misérable amas d’épingles. Nous avons fui, sachant depuis l’enfance que nous étions faits comme des rats, traversant en quinze jours, pas moins, la gigantesque ceinture d’ordures où auraient naturellement proliféré ces pauvres bestioles si elles avaient réchappé à la dernière grande extinction ; nous avons fui aux premières rumeurs pour atteindre aujourd’hui cette zone où l’aridité du sol n’est plus masquée par les immondices des siècles de plastique. Car ici ne jouent plus que vents, rouille, cailloux, poussières et radiations. Nous, post-post-anarchistes, voulons notre mort debout, libres, dignes et conscients, sous les astres retrouvés, et, en attendant qu’elle nous terrasse... (...)

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