1h30 de route pour arriver à la salle de la Carène, Lavilliers en fond sonore, je ménage mes méninges, Momo me parle de ces nouveaux auteurs qui peuplent sa vie, disert. Notre joyeux trio roule vers une légende punk.
Brest, la pluie et son paysage industriel naval nous accueillent, hautes cheminées fumantes, grues immenses , hangars aux murs taggés, Brest brumeuse et mélancolique en ce soir d'automne.
Super conception que cette salle de concert, un grand bar à l'entrée fait de ce lieu un endroit convivial, je tends l'oreille: merde le concert a déjà commencé, ouverture des portes à 20h 30 il est 20 h45 et Personal Jésus résonne déjà dans la grande salle, je me précipite j'adore cette chanson de Depeche Mode que Nina Hagen reprend dans son nouvel album.
Morgan me souffle, elle est super bien gaulée pour 50 balais, j'acquiesce.
Il me faut tjs un peu de temps pour entrer dans un concert que j'occulte les odeurs de vieille sueur ou de Paris d'Yves St Laurent, bordel comment peut-on aller voir Nina Hagen et se parfumer avec ce parfum écurant de roses ? non la vraie question est comment peut-on se parfumer avec ce liquide sirupeux tout court ? abstraire également ce grand gosse de 40 ans qui joue en continu avec son téléphone qui fait des milliards de fonction ah oui voilà un i phone sans doute, sais pas il a du se l'acheter cette aprèm ? et qui parle en permanence, y a des chieurs partout et c'est pas parce qu'il a un tee shirt des Béruriers Noirs sur le dos que je vais être indulgente, y a des fois j'aimerais être un grand costaud plein de muscles au regard de tueur !
Nina enchaîne ses nouvelles chansons, folk, limite country parfois et si c'est pas ma tasse de thé malgré des musicos que je ne trouve ni inspirés, ni convaincus, elle délivre précisément ce qu'elle souhaite, elle n'en fait qu'à sa tête, elle suit sa ligne, elle s'éclate, sincère, habitée. Aucune progression musicale, elle a débuté par Personal Jésus, a enchaîné sur des morceaux de folk, intercalé du blues ah ! sa voix sur du blues, magique !! elle m'a embarqué vers un vieux club américain des années 50 à un moment donné la Nina !
Elle saute du rock, au funk, en passant par des hymnes militaires, des chansons religieuses au gospel en effectuant un court virage vers la techno, nous gratifie d'un My Way à la sauce punk, essuie la sueur qui lui dégouline du front avec des kleenex blancs en parodiant James Brown, interprète un Summertimes émouvant.
Elle ne se laissera pas convaincre de chanter African Reggae, elle a franchi un cap, elle peut tout chanter, elle parle de paix, d'anarchie, de lutte, de son dentiste, de résistance contre le fascisme, de Jésus (merci Morgan pour la traduc) elle mime chaque digression, chaque chanson, balance des coups de pieds dans le vide, écarquille les yeux comme des soucoupes, joue de sa voix rauque à la perfection.
Les vieux punks sont désorientés, ils s'attendaient à retrouver les années 80, (merci Iti pour m'avoir fait découvrir le nouvel album avant le concert) ils s'accordent à dire que sa voix est fabuleuse mais ça "ne rentre pas assez dedans" à leur goût, si Joe strummer montait sur scène aujourd'hui je me demande quel accueil il aurait ?
Trois rappels plus tard, toujours aussi désorganisés avec des musiciens qui ne pensent qu'à se tirer de là, Nina salue. Grande artiste, grande voix, suivant son fil, singulière et convaincue, j'ai assisté au concert d'une grande dame qui a compris que le rock n'est pas forcément des watts balancés au kilo mais qui a su aller chercher aux origines subtilité et émotion.
Brest la rouge s'éloigne sous une pluie battante, Nina la pieuse continue de distiller sa voix rauque dans mes écoutilles, je les referme je laisse sa magie se diffuser dans les entrelacs de mon cerveau.
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