Quantcast
Channel: Les commentaires de Pointscommuns.com
Viewing all articles
Browse latest Browse all 5180

SOLITUDE par Minos36

$
0
0
Je pus ainsi, du plus profond de mon obscurité pousser mes fantasmes vers l’absolu, vers la clarté. Je me donnai l’illusion de briser ainsi, étrange manière, la réalité de tous les dangers. Jour après jour je bâtissais mon œuvre. Quelles forces brûlais-je dans cette construction ? Quel gaspillage d’énergie ? Cette dépense négative de moi, devenait une sorte de luxe, un raffinement aristocratique, une solitude précieuse, flamboyante. Me voilà nouveau dandy égaré dans une caserne universelle. Mon refus du monde me tenait lieu de révolte. Je croyais m’approcher du cœur de la fission, connaître l’explosion extrême, atteindre la lumière. Un lieu où tout homme pouvait se désintégrer. Je mis en place un catalogue de commandements. Je rédigeai une mini-constitution pour ma république solitaire. « Je m’enfermerai sous un épais silence. De sa lourde couverture je ferai une tombe qui me défendra contre les bruits du monde. Je fuirai tous les lieux où règnent les femmes. Je fuirai boutiques, cafés, restaurants, salles de spectacles et lieux de vacance. Je boucherai mon nez pour ne pas sentir l’odeur animale des femelles qui cherchent l’homme. S’il m’arrive de prendre la parole en public je ferai état de la plus grande prudence. J’éviterai les conflits qui trouvent leur source dans le Verbe. J’appliquerai, partout, la politique de l’escargot : sortir les petites cornes pour m’assurer qu’il n’y a pas d’obstacle, pas de dangers. J’avancerai dans la vie doucement, lentement. Je biaiserai. J’effectuerai des demi-tours si nécessaire, mais toujours lentement. Une certaine dose de surdité me siéra pour ne pas entendre les mots des hypocrites. J’irai lentement vers la cécité pour ne pas voir, sous les habits étincelants, la vulgarité, l’ignominie, la lâcheté, l’amour sali, la vénalité. Je ne lirai plus dans les cœurs humains. Il n’y a plus d’humanité, ni d’hommes. Ils ont été remplacés par des individualités animales. Je dirai mes sentiments profonds au lézard qui se chauffe au soleil du printemps. Je confierai mes secrets à l’hirondelle qui s’envole vers l’Afrique en automne. Je la prierai de les lâcher avec ses fientes dans les forêts équatoriales. » Certains animaux se défendent en attaquant, en montrant griffes et dents, d’autres s’adaptent au milieu par leur mimétisme. Je ne souhaitais ni férocité, ni mimétismes. S’il fallait être un animal, il valait mieux être une marmotte. Dormir, hiberner, tant que sur la terre existeraient les effets de la Peste Rouge et de la COM. Pas de relation. Pas de combat. Pas de conflits. Mettre en veilleuse ma subjectivité. Désamorcer ma charge vitale. Éteindre ma libido. Enfermer Eros dans un coffre-fort. Me replier sur moi-même. En autonomie. En autarcie. Les vagues des marées océaniques s’apprêtaient à mettre bas le monstre suprême. Je ne voulais plus un horizon si proche et si funeste. Comme l’araignée qui tisse sa toile, j’avais fini par construire ma forteresse. Je croyais que c’en était une. C’était un léger cocon, faible, provisoire, où venaient se prendre mouches, moucherons, et autres minuscules insectes, ainsi que les plus venimeux déchets de la nature. Contre ce misérable cocon, contre ce minable château de sable, tous les déchets de la société venaient toujours s’abattre en faisant trembler le fragile édifice. Je croyais m’isoler, mais Thanatos cognait. Les souvenirs, comme une nuée de sauterelles, s’abattaient contre le bâtisseur qui se donnait tant de peine à s’isoler. Ayant à peine mis hors de nuire l’ennemi extérieur, du moins je le croyais, voilà que je me faisais attaquer par l’ennemi intérieur !

Viewing all articles
Browse latest Browse all 5180

Trending Articles