C'est un drôle d'endroit, comme une plage, j'y vois une silhouette emmitouflée dans un gros blouson, il vient vers moi « pas de ramassage de cailloux aujourd'hui, viens avec moi ». Son visage ne m'est pas inconnu............Ca y est, je me rappelle, je ramassais des cailloux et il m'avait demandé pourquoi.
Je le suis, son visage est toujours aussi doux, son regard toujours aussi lointain.
Nous marchons et arrivons devant une grotte, il faut se pencher pour y pénétrer, je me cabre « viens, allons, n'aie pas peur »
Il entre le premier s'écarte pour me laisser face à....... un monstre, je suis prête à hurler.
Le monstre ignore ma peur « assied toi et attend sans un mot »
J'obéis et m'assois en tailleur sur un sol qu'on dirait de fait de coussins, et voilà le monstre qui s'attaque à la roche, il en perd même une griffe perlée d'une goutte de sang. Je cherche de quoi le soigner, sans se retourner «ne cherche pas, je n'ai pas mal »
Enfin, il arrive à bout de son ouvrage et se retourne et me tend une petite boite.......... Un chagrin terrible me prend je sens les larmes arriver en vagues, je ne sais pas dire pourquoi
Avant qu'elles ne roulent sur mes joues, il les cueille aux coins de mes yeux d'une griffe délicate, referme sa main velue dessus et les mets dans la boite. Il m'ordonne « ouvre » Deux diamants parfaits, le Monstre me tend la boite « ce sont tes dernières larmes ici ».
A cet instant, le doux visage se glisse dans l'entrée, un beau sourire aux lèvres « viens, il faut partir c'est fini ».
A dehors, la plage est aussi bizarre, pas du sable, ni des cailloux, on croise hommes et femmes en errance et d'autres.......... et tous nous marchons........ en ligne, nous connaissons tous le chemin à suivre.
On croise aussi la Fée qui nous fait un clin d'oeil et brise la baguette sur son genou.
On croise aussi un homme sans visage, il prend peur, nous tourne le dos, aussitôt un brouillard s'en empare, plus nous marchons, plus la lumière devient douce.
D'un coup, je sais sur quoi nous marchons, des mots des milliers de mots, des beaux des laids, des faux, des vrais, les nôtres, envoyés, reçus, ceux que nous avons retenus, lâchés en tremblant, ils sont tous sous nos pas.
Je fais signe à mes compagnons de route « regardez sur quoi nous marchons » et nous voilà en train de sauter sur eux, ils explosent en gerbe, ne nous piégeront plus ne nous ferons plus croire au vide de leurs sens.
Dernière tentative pour leur survie, ils tentent de nous rappeler combien on les a aimés, attendus. Peine perdue, nous les explosons dans l'allégresse.
C'est bon, cette farandole. La rivière de mots vains s'en va rejoindre la mer, le monstre avait raison, ce sont nos dernières larmes ici.
Ceux qui sont restés à l'orée de ce drôle de monde nous attendent et nous tendent leurs mains, heureux de nous retrouver.
Dernier coup d'oeil vers la « plage » elle est déjà recouverte de nouveaux de mots, se recompose d'espoir, de rêves, d'attente, de silence...............
Qu'importe, tôt ou tard, il croiseront le monstre qu'est la réalité qui peut être douce quand on sait la vivre, merveilleuse quand on sait la prendre.
De la plage, nous arrive des cris « revenez nous voir, vous allez nous manquer »
Oui on reviendra, promis, mais seulement vous voir, on se retient de leur dire que déjà ils nous manquent
Parce que la vie nous appelle, on lui a manqué, il y a peut-être dans nos maisons, des messages, des paquets en souffrance, non pas souffrance, en attente et une drôle de petite fenêtre éteinte qu'on ouvrira juste le temps de ne pas avoir le temps de souffrir tandis que l'on tire la toile des rideaux sur le monde et ses merveilles.
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