Une pluie d'hiver vient me mouiller les quelques mèches rebelles, j'ai oublié mon bonnet gris en acrylique que j'avais acheté à Tati et que j'ai conservé dans un carton d'emballage avec les rares vêtements qu'il me reste.
Le bruit de la neige qui se déchire sous mon poids. Les lumières de la ville qui ne s'éteignent jamais. Des larmes embrouillent ma vue, je continue à marcher tel un somnambule.
Cela doit faire prés de 62 jours, que je n'ai plus adressé la parole à quelqu'un.
A vrai dire, cela ne me manque aucunement. Comme beaucoup de gens, je n'ai absolument rien à dire d'intéressant. Je n'ai pas réellement d'avis. La vie passe devant moi comme un mirage à l'horizon. Ni plus, ni moins. J'ai perdu pied depuis trop longtemps à présent.
Et puis j'ai reçu en poste restante cette lettre d'une jolie personne, l'enveloppe était rouge sang et dégageait une agréable senteur d'une époque heureuse, mais que je ne suis pas parvenu à localiser dans le temps. Les produits chimiques divers ont eu raison de moi, les souvenirs se sont dilapidés dans l'espace temps et se sont volatilisés pour se perdre dans les limbes de mon cerveau.
A chaque caillou fumé, je perdais une bribe de ma mémoire, la couleur d'un amour, des éclats de rire ou le regard d'un ami.
Ces instants de vie se sont éloignés à jamais, un peu à la manière des bulles de savons. J'ai relu en boucle le petit mot. Et j'ai souri en retrouvant mon sourire d'antan, celui de la vie en société, ma vie d'avant pendant laquelle je me surprenais à me réjouir pour des futilités.
Ainsi, Je fais donc partie de quelquechose, d'un cercle d'amis ? de la société ? Je représente donc encore quelquechose pour une personne sur terre ? Je ne suis pas encore mort.
Malgré mes erreurs, mes trahisons, mes silences, mes absences, mes addictions, ma volonté d'ignorer autrui, suis-je digne d'une telle marque d'attention ?
Dans le reflet de la vitrine, j'aperçois mon visage tremblant de trentenaire. Je suis alors entré dans ce foutu magasin, sous le regard méprisant des clients et de la vendeuse. Mon regard apeuré s'est aussitôt posé sur ces orchidées blanches. J'ai avalé par saccade ma salive et j'ai payé sans même attendre ma monnaie.
Tenant précautionneusement mon bouquet tout en le serrant contre moi, je me suis alors mis à courir, pour rien, pour me libérer, pour me sentir vivant.
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