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Ascenseur social par Annaconte

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Alors les portes de l'ascenseur s'entrouvrirent et elle pénétra dans la cabine. Il n'y avait personne. Elle préférait. C'est toujours désagréable de se retrouver avec du monde dans une cabine d'ascenseur, serrés comme des sardines à l'heure de la remontée des filets dans le chalut, le coude de votre voisin de droite dans les côtes, ou le sac de voyage de l'autre à gauche pesant sur vos reins. Seule, elle pourrait se dévisager dans les miroirs en vis à vis, se regarder de dos, s'assurer que sa jupe n'était pas trop froissée, lisser ses cheveux, rajuster sa veste, et se poudrer le nez. Elle tendit le bras et appuya sur le bouton numéro 15. L'ascenseur entreprit sa lente montée, avec un drôle de gémissement un peu inquiétant. Elle avait toujours eu peur d'emprunter les ascenseurs, à cause des pannes possibles. Elle connaissait quelqu'un qui était resté coincé près de sept heures dans le noir, comme ça entre deux étages, avant qu'on vienne lui porter secours. Elle s'imaginait la scène et cela lui semblait le comble de l'horreur. Tout compte fait, elle se dit qu'elle aurait préféré de pas être seule dans l'ascenseur. La montée allait être interminable. On était à peine au troisième niveau qu' elle avait déjà l'impression d'être là-dedans depuis des jours ! La lumière crue au-dessus lui donnait un drôle de teint dans le miroir, et accentuait son air fatigué. Elle se trouva affreuse soudain et renonça à se regarder davantage. Elle gardait la tête en l'air à scruter le plafond métallique. Et soupira. Elle commençait déjà de s'ennuyer. Au cinquième, l'ascenseur s'arrêta. Les portes firent mine de coulisser puis émirent un claquement sourd. Fausse alerte. La montée reprit. Presque silencieusement à présent. Il lui vint une angoisse. Elle surveillait la lumière des niveaux, et les comptait mentalement : cela la rassurait un peu de suivre des yeux cette petite loupiote rouge. Comme une balise de reconnaissance. Elle baissa les yeux vers la moquette. Elle vit qu'elle était bleue avec de fines bandes blanches. Elle s'attela à dénombrer les lignes. Histoire de s'occuper. Au septième étage, quand l'ascenseur s'arrêta, elle en avait déjà dénombré une vingtaine mais elle fut dérangée à cet instant quand les portes glissèrent et qu'un homme jeune avec une capuche sur la tête entra à son tour . Elle eut à peine le temps d'entrevoir son visage que déjà il lui tournait le dos, mais elle le trouva laid et effrayant. Elle serra machinalement son sac à main contre elle, fit un pas en arrière et se colla dans l'angle. Elle n'osait plus bouger à présent. Et regardait à tour de rôle ses chaussures puis le plafond, l'air faussement dégagé. Elle finit par se tenir droite, le menton levé, à la manière des militaires, sûrs d'eux-mêmes. Comme pour impressionner l'ennemi. Prête à défendre ses petites affaires et à mordre s'il le fallait cet individu patibulaire. Au moindre geste qu'il allait tenter dans sa direction, elle savait qu'elle allait se débattre et ne le laisserait pas faire, elle s'apprêtait déjà à crier pour rameuter du monde ( ! ) Au dixième étage, juste avant de quitter la cabine, l'homme soudain se retourna brutalement vers elle et lui hurla un énorme "Bouh" ! qui la fit sursauter et tendre aussitôt son sac ! Il haussa les épaules et sortit. Quand les portes se furent refermées, elle fut prise de tremblements. Dans le miroir, elle se voyait à présent, chiffonnée et hagarde, les bras ballants ... avec son petit sac . Elle se trouva ridicule.

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