Manifestement par La Loba

Aux commencements, quand ils se reconnurent, il y eut une implosion. Feu d'artifices en mille fusées de couleurs, un soleil se leva haut dans son ciel de ventre. Irradiation, chaleur, pulsation inouïes, jusqu'à la douleur. En vagues successives, la brûlure montait et la dévorait toute. Il avait tout de suite saisi sa main et l'entraînait dans la foule, sur les quais, vers la mer. , au fond d'elle une note chantait plus haut que toutes les autres, insistantané de certitude , elle la suivit... L'étrange soleil dans son ventre se dilata . Dans sa tête en revanche aucune pensée, aucune logique, tout s'emmêlait . Folie des grands fonds. Visions embrouillées, sons désarticulés, couleurs qui se chevauchaient, grand débordement, apnée et convulsions... Manifeste du Surréalisme, un n'importe quoi ordonné avec art. Collage d'images inversées, grattage de l'encre, impressions furtives, décalcomanies .. Moment hallucinant et périlleux. Elle le suivait. Forêt de mâts de cocagne , tablées immenses de délices parfumés, sirop d'orgeat et anisé, rumeurs fébriles, senteurs du large , musiques bariolées, confusions et paroxysmes, démarche incertaine et vertige, heureusement il la guidait. Emportée, sans boussole, bateau ivre sur des courants magnétiques, voguante et divaguante, même les mots lui échappaient. Il restait cette note, plus aiguë que les autres, qui scandait la mesure ...et son pas. Unique drapeau de reconnaissance dans cet espace de soleil, aveuglant et terrible, la petite note dans sa tête sur la portée du vent, flottait joyeuse et vive, dansante comme la flamme d'un lampion de fête. Elle ne sentait plus à présent que sa main dans la sienne : Oui, cette étreinte, déjà, prometteuse d'après, de leurs doigts palpitants, faisait battre son coeur quelque part dans son ventre. "Tout porte à croire qu’il existe un certain point de l’esprit d’où la vie et la mort, le réel et l’imaginaire, le passé et le futur, le communicable et l’incommunicable, le haut et le bas cessent d'être perçus contradictoirement." – André Breton, Second Manifeste du Surréalisme, 1929