La solitude. Le mot est jeté sur la page blanche.
Que de souffrance, que de tourment, que de doute et de questionnement dans tous ces commentaires ! Lexpression est souvent douloureuse. Derrière les mots, entre les lignes, se cachent des âmes blessées, des curs fatigués, des sens meurtris.
Un court extrait de création littéraire de mon cru :
« Cependant la solitude affective lui pesait. Dans ces moments-là, où elle auscultait son vide, elle remettait en cause ces menus plaisirs quelle ne pouvait partager. Elle les trouvait futiles, dérisoires même. Elle se contentait de si peu ! Elle imaginait alors des scènes de vie vibrantes. Des espaces fantasmagoriques que son inspiration créatrice peuplait dêtres exceptionnels.
Sans se lavouer clairement, elle attendait quil se passe quelque chose débouriffant dans son existence.
Elle venait de vivre lenfer, mais lenfer était vivant.
Elle avait nourri sa rage, mais elle enrageait de ne plus être nourrie.
Elle avait limpression quelle se vidait de sa substance.
Elle regrettait par moment la présence obscure et inquiétante de la lionne en elle. Elle avait sondé ses personnages jusque dans leur profondeur la plus intime. Le bruit sonore de la pierre que lon jette au fond du puits sétait éteint. Elle lavait entendu sestomper puis mourir tout à fait. Elle avait mesuré mentalement la distance parcourue, elle était infinie.
Son voyage initiatique touchait à son terme. Elle allait devoir débarquer sur une terre inconnue : elle.
Elle sassied et se laisser aller dans le silence de lespace clos. Elle pense à cet aphorisme nietzschéen « deviens ce que tu es ». Il trottine son petit bonhomme de chemin depuis quelques jours et ce matin il simpose à sa réflexion.
Elle en fait sa propre lecture.
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Elle aspire à rejoindre sa juste place entre ces deux êtres morcelés. Elle veut apprendre à renouer avec ses désirs profonds. Elle veut retrouver son unicité.
Elle doit ré apprivoiser sa spontanéité. Cest le seul point de passage obligé, un check point Charlie vers sa liberté.
Elle veut choisir ce qui est bon pour elle. Mais la méfiance est de mise. Elle a si souvent concassé le noyau de ses émotions quelle a beaucoup de mal à en abouter les fragments épars.
Dans un premier temps, elle va coller des post-it sur ses ressentis pour les identifier plus aisément. Elle va ainsi sappliquer à mieux les comprendre et à les accepter.
Elle pense soudain à Marie, son amie. Marie ne scotche pas de petits carrés de couleur sur ses humeurs. Marie les vit, tout simplement.
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Mais en attendant, elle fait lapprentissage de la solitude. Elle nest pas toujours bonne élève : elle regimbe. Elle attend encore une main providentielle qui se tendrait vers elle pour la sortir de son errance. Elle est encore loin de posséder son foyer en elle.
Cependant, elle sous-estime sa fortune. Sa richesse est sans égal.
Elle se reconnaît des qualités et peut-être bien aussi quelques talents.
Quen a-t-elle fait ? ».
(La Bible : Matthieu L 25)
Et pour finir, je me tourne vers Rilke. Dans cette lettre, il parle de la création artistique, mais si vous lisez bien, vous y trouverez bien autre chose.
"Porter jusquau terme, puis enfanter : tout est là. Il faut que vous laissiez chaque impression, chaque germe de sentiment, mûrir en vous, dans lobscur, dans linexprimable, dans linconscient, ces régions fermées à lentendement. Attendez avec humilité et patience lheure de la naissance dune nouvelle clarté. Lart exige de ses simples fidèles autant que des créateurs.
Le temps, ici, nest pas une mesure. Un an ne compte pas : dix ans ne sont rien. Etre artiste, cest ne pas compter, cest croître comme larbre qui ne presse pas sa sève, qui résiste, confiant, aux grands vents du printemps, sans craindre que lété ne puisse pas venir. Lété vient. Mais il ne vient que pour ceux qui savent attendre, aussi tranquilles et ouverts que sils avaient léternité devant eux. Je lapprends tous les jours au prix de souffrances que je bénis : patience est tout."
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