Par la méditation inhérente à ses paupières closes, son esprit vagabonda pour rassembler une ribambelle de détails qui lassaillirent et la plongèrent soudainement dans un passé lointain...
15 années en arrière. Aspirée dans un tourbillon dimages effervescentes, les lourdes vagues de sensations réfrénées enfermées jusqu'alors dans son subconscient rejaillirent laissant ainsi à lévanescence des pensées -secrètement enfouies- le soin de regagner leur berceau véritable au sein dune bien étrange...compétition...pour lhonneur.
A lépoque, lorsque ses prunelles parcoururent le feuillet décriture automatique, lencre régulière au tracé parfait distilla demblée son zeste récréatif et son pouvoir atttractif.
Lenjeu était simple et clairement énoncé « redonner le goût de la lecture et de la recherche documentaire» au travers dun court questionnaire sur le thème «1895«.
Un unique balayage furtif du coin de loeil emporta sur le champ sa conviction et adhésion totale au jeu : Le choix de la formulation de la réponse était laissée entièrement « au libre choix du candidat -majeur- et le seul impératif consistait à indiquer sur sa participation « son nom ET son prénom ».
A cette époque linformatique n'en était encore qu'à l'aube de ses capacités actuelles, et la recherche informelle était essentiellement axée sur la consultation directe dans les rayons des savoirs bibliothécaires.
Elle enchaîna méthodiquement les questions et formulations de réponses les unes après les autres...constitua un véritable dossier exhaustif se rapportant à chaque sujet et les aligna dans un porte-documents agrémenté de photos et darchives. Du cinématographe mis au point par les frères Lumière à Buster Keaton , en passant par le théatre de Sarah Bernhardt , de la grande manifestation exposition universelle à Paris, à lauteur des aventures des pieds nickelés, de la mise en circulation du tramway de Strasbourg à linauguration du premier éclairage public électrique ...Elle récapitula sommairement les différents éléments, précisa comme exigé par le règlement dudit concours son patronyme et prénom et rapporta le tout au documentaliste chargé de la centralisation des réponses.
Lhistoire aurait biensûr pu sarrêter là...mais elle ne faisait réellement que commencer....des jours entiers laissèrent place aux nuits d'attente et un beau matin le président du jury (dont elle connaissait lidentité), la gratifia dune poignée de main inhabituelle et dun sourire qui ne cherchait point à dissimuler sa fierté. Elle eu toutefois une étrange intuition lorsquelle le revit 2 jours plus tard et que ...maladroitement... il lui demanda pour la taquiner « sil ny avait pas de fautes ...» ...
Cette phrase anodine lui mit aussitôt la puce à loreille et elle alla senquérir auprès du documentaliste -après communication des résultats individuels- des "soi-disantes" erreurs commises.
C'est ainsi qu'elle eu vent de tous les âpres détails....ignorés... jusqu'alors.
La commission dexamen (composée de libraires de cadres et d'un documentaliste ) avait délibéré. Le président du jury avait dû -en raison d'une urgence imprévue- se faire remplacer à la réunion dexamen des réponses- par son adjointe...une femme.
Le verdict souverain tomba : les membres avaient décidé décarter le dossier constitué et de baser lexamen des réponses sur le seul récapitulatif figurant en première page de son dossier -pour soi-disant ne pas faire de favoritisme- ( il est vrai quelle était la seule à avoir constitué un tel exposé...les autres participants sétant contentés en guise de réponse de courts morceaux de phrases).
On lui retira ainsi 0.75 points sur 2 points globaux pour ne pas avoir précisé le prénom de Mme Lumière alors que la question posée était « quel est le «nom» de ses premiers acteurs de cinéma. Question pour laquelle elle avait répondu «M. et Mme Auguste Lumière et leur fille Andrée."
On lui retira aussi 0.75 points pour avoir parlé de lexposition industrielle alors que la réponse attendue par le jury était exposition industrielle «et artisanale» dénomination qui figurait pourtant dans son dossier...en gros titres...
Cette appellation raccourcie était pourtant entièrement exacte -elle aussi- et figurait même dans un ouvrage dont elle fournit une photocopie du document au jury.
Elle fut par ce détour désignée deuxième lauréate...
Le vainqueur ( un professeur de lettres ) avait commis une seule erreur grossière sur lécrivain Georges Eekhoud dont il orthographia mal le nom « Ekhoud» inadvertance pour laquelle on ne retira que 0.5 points sur 2).
Outrée devant ce jugement arbitraire, elle rédiga une doléance écrite à légard du président du jury pour lui signifier ouvertement son opinion personnelle :
"Elle comprenait aisément ( compte tenu de lidéologie actuelle ) quelle ne pouvait en aucun cas être considérée comme gagnante ou lauréate... face à des personnes plus éminentes quelle ...et dont certains membres votants connaissaient d'ailleurs d'avance les noms et fonctions.
Dans un concours visant à raviver chez les participants le goût de la recherche documentaire, elle ne pouvait être quindignée devant le constat que les juges se soient manifestement cantonnés à une «mécanisation» de la correction. Que si en l'occurence ces correcteurs-nobles représentants dun plan lecture- navaient ni le goût ni le temps dopérer une analyse même succincte des documents fournis, il s'avérait alors plus judicieux de proposer une grille de réponses au lieu de laisser aux concurrents «le libre choix de la formulation» de celles-ci.
Elle cèdait donc à contre-coeur la première place au lauréat (qui semblait si heureux de lavoir décroché), mais cette capitulation forcée ne modifiait en rien ses convictions que les meilleurs résultats nétaient pas ceux du gagnant mais émanaient au contraire de ses propres investigations. Le jury restait donc certes entièrement souverain quant à lissue du concours ,elle restait quant à elle néanmoins souveraine de la décision de participer ou non au pot dhonneur et daccepter ou non le lot décerné."
Lhistoire ne sarrête pas là...Deux jours plus tard elle alla -malgré la connaissance des résultats proclamés- à lexposition organisée sur le thème 1895 réunissant officiellement les différents membres du jury ainsi que des élus locaux.
Le documentaliste servit de guide à la masse d'individus présente...Il s'arrêta au cours de la visite de la galerie devant un document d'archives -à la couverture quelque peu vieillie et jaunie- rédigé en allemand "Industrie Gewerbe Austellung".Elle qui avait parallèllement à ses études de droit préparée durant son année de licence et maitrise un deuxième diplôme de terminologie juridique allemande traduisit sans peine -exposition sur les métiers de l'industrie- ou encore -exposition industrielle-.
Il s'arrêta ensuite devant la reproduction photographique noire et blanche très connue de l'accident de la gare Montparnasse et lança cette phrase qui la laissa -là encore perplexe-
et scandalisée :
"Un accident spectaculaire qui fort heureusement ne fit "aucune victime...je crois" ! "
Elle avait certes envie de lui rétorquer cette fois-ci -devant toute l'assemblée réunie - le fond de sa propre pensée (car ELLE -seule- savait peut-être à ce moment là ) qu'il y avait eu UNE victime lors de cet évènement catastrophique ( la tenante d'un kiosque de journaux au sein du hall de gare ...)...encore fallait-il pour le savoir avoir eu la curiosité d'explorer les documents explicatifs qu'elle avait pourtant fournis dans son dossier de participation !!!!
Elle refusa dès lors par la suite d'aller au pot d'honneur qui devait suivre la visite et accepta toutefois lors de la remise des prix le lot décerné ...ceci afin de pouvoir récupérer le fruit de son laborieux travail ...si hautement et froidement rejeté ...par d'éminents membres de jury.
Elle n'éprouva aucune fierté à l'égard de ces gens-là et de leur comportement lâche et irrespectueux au regard d'un labeur pourtant servi sur plateau doré à leurs yeux...restés... aveugles, mi-clos et faussement sélectifs.
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