Rédaction : « vous recevez une lettre, décrivez vos impressions avant de l'ouvrir, vous avez une heure pour me rendre votre brouillon, 2 pages minimum »
Aie, moi j'aurais tendance à en faire 10, va falloir me restreindre.
Râleries dans les rangs, la prof « Mesdemoiselles, ne perdez pas de temps, 1 heure »
J'adorais cette prof, fine le cheveu court, une allure que je lui enviais.
Moi, j'ai déjà sorti mon attirail, double feuille grands carreaux, en haut à gauche nom prénom, à droite, la classe, au milieu la matière.
Je soignais mes présentations vraiment.
Et c'était parti, le stylo crépite sur la feuille, mes idées sont déjà en place, j'écris, j'écris, je décris, quel pied !!
De temps à autres, je lève le nez, regarde les filles sortir gomme, pester, soupirer, moi si je soupire c'est de plaisir.
Je tourne la feuille, je me relis même pas, de mon cerveau où l'histoire est déjà inscrite, je sens les mots courir dans mes bras, ça me fait comme des ondes électriques, l'ankylose me guette, je continue, je crois même que je me bave sur le menton.
Enfin, à la première ½ heure, je me lève, m'approche du bureau, ma copie à la main. La prof bouquine, enfin elle lève, le nez « j'ai fini Madame » elle prend ma copie, me la rend « j'avais dit brouillon » « mais Madame, je ne fais jamais de brouillon »
« Vous me la rendrez la semaine prochaine alors ».
La semaine suivante, on rend nos copies. Je ne suis pas fière, non, mais heureuse.
Deux cours plus tard, rendu de copies « Mademoiselle I » (c'est moi) 17 sur 20 accordé avec le bénéfice du doute. Je hurle « comment ça bénéfice du doute »
« A votre place »
L'oreille basse, la truffe sèche, je regagne ma place, j'ai boudé son cours, je n'en attendais que la fin.
Les élèves sorties, je me plante devant son bureau, ma copie à la main et j'entends « vous êtes, de loin ma meilleure élève, mais écrire comme ça, à votre âge, c'est impossible et je suis déçue que vous ayez demandé de l'aide à vos parents ».
Le choc dure une seconde, je lui vole l'antenne :
« Madame, vous ne connaissez pas mes parents, ils sont incapables d'écrire
......... Convoquez-les vous verrez par vous même........... »
Bref sans une once de honte, je les ai fait passés pour 2 braves analphabètes.......... suis partie dans une envolée lyrique à souhait...comme si ma vie en dépendait, sans qu'elle puisse en placer une!
En plus c'était la seule matière pour laquelle j'avais quelque aptitude, pour le reste j'avais le QI d'un flan, alors.........
Tout pour qu'elle barre cet affront suprême « accordé avec le bénéfice du doute ». Et elle l'a fait.
Ce soir là, je regarde Papa happé par un débat politique à la télé, Maman à son côté, je regarde aussi la bibliothèque, dévoreuse de mur, du sol au plafond, bouquins à la tranche ridée, aux pages écornées.
Ah y sont chouettes mes analphabètes de parents. J'ai failli leur raconter, mais j'ai eu honte qu'ils aient honte de moi, de ce que j'étais capable de faire pour que justice me sois rendue.
Le plus drôle c'est que des années plus tard, j'ai reçu une lettre, dans les mêmes conditions décrites dans ma rédac. Cette lettre a scellé ma vie.
Mais c'est une autre histoire
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