LE BRIS DU VITRAIL
Comme une pièce de monnaie, un vitrail a deux faces.
Mais de deux « ordres » différents.
La face extérieure, offerte à la lumière naturelle, dallure grisâtre, appartient à lespace profane.
Elle est le « masque » de lautre, et limportant est que nous le pressentions.
Nul besoin dêtre croyant pour deviner que ce qui est masqué est « sacré», cest-à dire invisible dans le « monde ».
A lintérieur, le vitrail apparaît pour ce quil est : un « transformateur » de la clarté du ciel en couleurs intérieures, donc spirituelles.
Lespace profane des « travaux et des jours » fait place au temps intime de la vie pensive.
Appelons « sacrée », le lieu de cette intimité songeuse : la vie de lesprit et du cur.
Le passage dun « ordre » à un autre, induit, même chez les brutes, une autre attitude.
Du bruit au silence. Ou du moins, des braillements aux chuchotements.
Présence du sacré : retour en soi.
Passage respectueux, donc.
Puisquil est fait allusion au langage religieux (pris avec précaution), poursuivons
.
Quelque part dans le « Nouveau Testament » (quon me pardonne ma paresse, je cite de mémoire...), faisant allusion à la nécessité de prier en certains lieux déterminés par la Loi, le Christ fait cette remarque fulgurante, dont le sens général est le suivant : pourquoi donc ? Le corps de lhomme est le Temple de Dieu.
Sil en est ainsi, le Corps humain nest pas d « ici ».
Ce que je crois.
Il est, dun autre ordre, un masque.
Le visage est son vitrail : une sorte dénigme si lon veut, qui donne tant de fil à retordre aux peintres de portraits. : mais que cherchent-ils donc ?
Les « traits » et même les « expressions » ne sont-ils pas lisibles ?
Un corps humain na-t-il pas comme tout corps, une hauteur une largeur et un poids ?
Oui ET non.
Comme un vitrail.
Et comme un « instantané » est hors temps, nulle photographie na accès à ce que cherche obstinément notre peintre : une histoire.
Histoire dont l « habitant » du visage ne connaît que quelques fragments
Grande est alors la tentation de la Bête.
Jentends par « Bête », ce quaucun animal ne peut être : ce qui est « aussi » (aussi !) au fond de nous, du côté de nos égouts
ce qui nous effraie, au point que nous désirons que quelques hommes seulement, repérables à leur visage si possible, en soient les dépositaires
..
La Bête est pressée
De quoi ?
Darracher le masque et son secret : de posséder par force, maintenant, ce qui ne peut être donné qu au cours dun temps.
Et cest le viol du Temple : le vitrail est brisé.
Mais sil est brisé, sa lumière intérieure a disparu aussi !
Qua donc obtenu la Brute ?
Puisque, depuis le début, cest du viol dont nous parlons, allons jusquau bout, descendons dans nos « égouts », et voyons, un peu.., ce qui sy trame.
Je fais (partiellement) mienne cette remarque terrible de Dostoïevski :
« Jignore ce quest lâme dun grand criminel, mais je sais ce quest celle dun honnête homme : de lordure ».
Que veut la Bête ?
Joserai la réponse suivante : rien de sexuel.
Soyons cyniques pour y voir clair : quel plaisir vaut tant dannées de prison, alors quil se monnaie sans risque ?..
Dans les années 70, lorsque le viol (cest un des plus grands acquis du MLF) passa en cours dassise et non plus en correctionnelle, il y eu beaucoup denquêtes et de témoignages sur les violeurs.
Lun dentre eux (« interview dun violeur/meurtrier, condamné à perpétuité), répondit, à la question « mais pourquoi ? » par ces mots stupéfiants :
« Cest quand même mieux quand elles veulent pas ».
Voilà : nous y sommes.
Désir, non pas dobtenir de force un consentement (il sait et veut que ce soit impossible), mais briser une vie intérieure, une liberté.
Le viol nest pas sexuel (plus exactement : le sexuel nest quun moyen) il est politique : il est fasciste au sens strict.
Il ny a pas lieu de sétonner que le viol ait toujours été aussi une technique de guerre : il est la violence à létat pur, je veux dire sans autre enjeu que la domination dune liberté par une autre.
Non pas la mort physique de lautre, mais sa mort intérieure.
Telle est , aussi, la pulsion de mort : celle dont « le ventre est encore fécond doù a surgi la Bête immonde ».
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