En ce moment précis où j 'écris ce comm, j 'entends les hélicoptères militaires passer au-dessus de ma tête.
Fini le slogan longtemps commercialisé à l 'extérieur par le régime :" la Tunisie, havre de paix où il fait bon vivre", pour attirer les investisseurs et les touristes.
Le suicide du jeune Mohamed Bouazizi a fait tomber la feuille du mûrier et a donné le coup de départ à un mouvement de protestation que Ben Ali a essayé de minimiser en traitant les contestataires de "bandes de voyous cagoulés à la solde de terroristes extérieurs".
Eh bien, la généralisation du mouvement l 'a tout de suite démenti, le mouvement s'est généralisé dans toute la Tunisie;
50 braves sont tombés sous les cartouches des policiers, certains frappés en pleine tête, ou à la poitrine, ou même dans le dos, ce qui prouve la lâcheté des tireurs et le non respect des lois anti-émeutes qui préconisent le tir en l 'air ou près des pieds des émeutiers.
Quant au nombre de blessés, il est jusqu'à maintenant inconnu, mais l'hôpital régional de Kasserine, ville la plus touchée, est débordé, et le corps médical a menacé de descendre manifester dans les rues si on ne l 'aide pas à résoudre ce problème.
Mais aujourd'hui on s'est réveillé sur l 'annonce de la destitution du ministre de l 'Intérieur à qui on fait porter le chapeau, alors qu'on sait qu'aucun ministre chez nous n 'a la liberté de prendre une décision sans retourner au général Ben Ali.
Mais tout cela vous le connaissez je suppose d'après les informations.
Par contre , ce que vous ne connaissez pas, c'est le rôle joué par facebook dans tout ça.
Je n'ai pas les chiffres officiels, mais on dit que les tunisiens sont les plus nombreux parmi les Arabes à utiliser Facebook; même ceux qui n 'ont pas accès au Net chez eux, vont dans un publinet ( bureau privé d'internet), tout le monde navigue, tout le monde passe de longues heures devant le PC, tout le monde suit minute par minute les événements.
Même ceux qui ne s'intéressaient et ne parlaient que d'autres sujets comme l 'amour, les chansons, le foot, la cuisine et que sais-je encore, ont gelé leurs centres d'intérêt pour ne s'occuper que de ce qui intéresse tout les tunisiens sans exception : la Tunisie.
A l 'exception des lèches-bottes à la solde du pouvoir, chaque internaute est devenu un militant, un révolté; tout le monde cherche les informations sur les sites des journaux français comme Libération, le Monde, les chaines françaises surtout France 24 qui est en langue arabe, radio Montréal, l 'agence Reuter, mais surtout Al Jazira......
Les internautes sur les lieux les plus touchées par les actes de violence jouent leur rôle de journalistes provisoirs, ils nous donnent, minute par minute, les informations appuyées par des séquences vidéos très violentes et insoutenables ,des martyres de la liberté, tournant ainsi au ridicule notre chaine nationale TV7 que personne ne regarde puisqu'elle n 'a aucune crédibilité chez les téléspectateurs, étant l 'une des principales voix du parti au pouvoir.
Tout le monde partage avec tout le monde les liens qui parlent de notre Intifadha.
J 'ai remarqué que beaucoup d 'internautes, qui avaient l 'habitude de se disputer avant ,sur Facebook pour des raisons politiques ou syndicales, avaient enterré la hache de guerre, tous animés par un seul sentiment: le sentiment de patriotisme, oui, je dis bien patriotisme, car l'occupation peut avoir plusieurs visages, et la notre a le visage de Ben Ali qui a étouffé le peuple tunisien durant 23 ans, et dont la famille a pillé littéralement la trésorerie du pays et a appauvri notre peuple.
Le pouvoir de Ben Ali, avec les énormes moyens qu'il possède pour censurer Internet, est resté incapable de stopper ce mouvement: lui censure, et les internautes trouvent toujours les moyens de contourner cette censure par le téléchargement des proxys .
Pour la première fois, le soir du dimanche dernier, un mot d'ordre pour une marche à la capitale a été lancé par des internautes indépendants sur Facebook pour le lundi après- midi au jardin du Passage, et l 'appel a réussi puisqu'un grand nombre d'internautes et d'autres ont répondu à l 'appel, et pour la première fois une marche non organisée par L 'UGTT ou les partis d'opposition a eu lieu , faisant sortir définitivement la capitale de son inertie et encourageant les quartiers populaires démunis de la Capitale , tels que Cité Intilaka, et Cité Ettadhamone à réagir.
Conséquence, les Forces qu'on appelle à tort " de l 'ordre" sont débordées
c'est pour cela que l 'armée a pris place dans certaines banlieues de la capitale mais surtout dans la capitale qui constitue une ligne rouge à ne pas dépasser pour le régime dictatorial.
Bref, Bouazizi s'est immolé et sa mort n 'était pas vaine, car elle a permis au peuple de se réveiller ( encore le bruit des avions) , d'oublier sa peur, et de réclamer au début de son Intifadha le droit au travail, mais quand le dictateur a répondu par le feu, les Tunisiens partout en Tunisie ont crié: "nous ne voulons plus de Ben Ali, qu'il parte!"
Toujours grâce à Internet, un grand nombre de Tunisiens opposants au régime de Ben Ali sont informés de l 'arrivée ce matin, à l 'aéroport de Montréal , de Sakhr Matri, le gendre du président, et sa femme, qui se réfugient au Canada, alors ils ont accouru pour les accueillir, ces mêmes Tunisiens opposants que Ben Ali a traité de traitres, parce que le bon tunisien pour lui, est celui qu'on piétine et qui n'ouvre pas sa bouche.
Pour terminer, je dirais que les derniers événements m 'ont réconciliée avec Facebook, car j 'ai découvert son grand potentiel à faire rallier les Tunisien contre la dictature...
Je ne sais pas si ce régime tombera ou non, tout le monde l 'espère du fond du coeur, mais même s'il reste , rien ne sera plus comme avant: il est obligé de prendre en considération
l 'évolution technologique qui est capable d'accomplir ce que la grande force et l 'énorme répression étaient incapables de briser. Quoi que le nombre de ses policiers soit grand, le Général est incapable de démonter l 'armée des internautes qui est en train de déstabiliser son pouvoir.
Vive la Tunisie libre!
A bas la dictature!
Le sang des martyres ne sera pas vain!
↧