Samia se fout de tout, elle ne parle pas, elle gouaille, raille et vilipende haut et fort les pisse-froids et les avaricieux, elle vomit les tièdes. En somme, Samia ne bande pas mou et ironise à pleines gueulées sur les amours de complaisance. Elle me racontera pourtant avec émotion certaines maisons de St-Germain-des-Prés où on l'aura bien accueillie. Se décolletés prfonds et diverses fanfreluches ne me choquent pas, même longueur d'ondes puique l'on me doit le prix d'une passe. Je ne remarque même pas, seul le souvenir vague m'en revient aujourd'hui avec tendresse.
Au début, peu m'importe que Samia avec qui je ris bien soit une péripatéticienne, car, dans la vie, j'ai toujours tutoyé spontanément qui j'aime bien sans regarder plus avant. Aussi, je suis détendue avec elle, naturelle. Elle sait juste qu'en haut, au 104, cela se passe mal, mais rien de plus.
Bêtement aussi, je me dis que je ne peux pas tomber pour proxénétisme, je suis une fille. Voilà,, c'est cela, nous sommes juste entre filles. L'argent a son cours entre nous, et même son importance. Malgré mon budget d'étudiante, il faut payer cash les consommations et souvent j'arrose pour deux. Je ne lui en veux pas pour autant. Mauvais coucheur, mauvais payeur, je ne sais que cela à présent, l'autre ne m'aura pas donné l'argent de mon travail. Putain de passe, que je me répète souvent bouche fermée, derrière la barrière de mes dents.
Et c'est justement cette locution, cette façon de penser qui permet à Samia de faire petit à petit son trou dans ma vie bien malgré elle, d'y faire son lit verre après verre. Car, de soeur, je glisse lentement vers consoeur, insidieusement. L'autre m'aura effectivement prostituée à mon corps défendant, comment sublimer différemment cette nuit-là ?
C'est alors que Samia me propose de prendre un appartement avec elle, elle n'a pas d'enfants et me précise simplement : "Surtout pas d'homme chez nous autres, hein ? "
Je ne suis pas contre, je vis cette porte de sortie comme possible. Elle m'a à la bonne, m'assure-t-elle.
Mais je ne sais pourquoi, c'est jutement l'argent qui va me réveiller, me faire toucher du doigt que peut-être je rippe, glissade au savon noir. Car, un fameux jour, Samia me propose, en plus du logement à deux, un pot gratis au Pub St Germain. C'est la gratuité du verre offert par Samia dans un chouette endroit (aujourd'hui détruit) qui me fait peur. Le défaut d'argent n'est jamais normal avec une prostituée, c'est ainsi, même si je sens que je vous choque à énoncer cela. C'est une vérité première.
Aussi, lâchement, j'ai déserté brutalement le café du boulevard et ne suis jamais allée à St-Germain-des-Prés. Je ne lui aurai jamais parlé du viol, bête noire par excellence de sa profession : sais-tu qu'on peut violer une prostituée dans l'execice de son art ? Je ne l'ai donc jamais revue. Je pense que j'ai perdu quelqu'un qui m'aurait fait un peu de bien mais c'est ainsi. Les années d'après auront été âpres sans elle.
Femmes, pleurez donc vos you-you derrières vos mains hurlantes, et que les petits enfants jouent moins fort au jardin un minuscule instant, à la santé des psychopathes de passage armés d'un garrot.
T'en fais pas, mon p'tit loup,
C'est la vie ne pleur'pas,
Oublie-les, les p'tits cons
qui t'ont fait ça....
↧